Le propre du rituel est de réunir dans un geste simple l’inutile et l’essentiel. L’estivant ensoleillé de limites vertueuses et empêtré dans ses contradictions religieuses ne manquera pas de se signer en entrant dans l’énième église de son parcours estival, établissant ainsi un rapport a minima avec la religion dont il n’épouse que très rarement les commandements. Dans ce geste minimaliste, appauvri par un mécanisme plat, il y a un écart abyssal entre le geste et ce qu’il suppose.
Avec quelques variantes, la fameuse tradition des vœux dans laquelle nous entrons bille en tête est un autre signe (chemin) de croix.
De quelqu’un qui ne vous souhaiterait pas ses vœux et pour lequel vous avez de l’estime, vous considéreriez qu’il manque de correction et ce manquement, tout en le considérant dans son inénarrable futilité, pourrait peser dans votre reconsidération de sa personne. Ce ressentiment se renforcerait d’autant plus si vous êtes à l’origine de la formulation des vœux ; une fin de non-recevoir, adossée à la morsure du silence, se muerait très vite en une déception active.
A contrario, d’un autre auquel vous n’êtes attaché que par une contrainte filiale ou professionnelle, le vœu reçu ou émis imposerait une attitude formelle, où le poncif le disputerait au politiquement correct. Vous signeriez ainsi une réponse protocolaire, dont la caractéristique est le manque de lyrisme, de chaleur poétique.
C’est pourquoi un boycott des vœux permettrait de s’éviter des déceptions et d’en causer d’autres. Je sens le mouvement sourdre, au cœur de cette crise sanitaire dystopique. Les premiers mails arrivent, essoufflés de conseils paternalistes et sanitaires. Prenez vos précautions, me conseille ainsi l’un des derniers, s’inscrivant dans la tonalité institutionnelle, faite de gestes barrières et de respect des distanciations. Comme si nous n’étions pas au courant, bâchés de masques et hydroalcoolisés jusqu’à la nausée, que la précaution consiste à éviter l’autre, potentiellement infecté.
Il faut transformer le rituel en autre chose ; une occasion de sortir de l’embourbement ; une perspective… Les vœux, pour être acceptables, devront nous extirper du catastrophisme lucide dans lequel nous baignons depuis qu’une bébête venue de Wuhan nous invite à repenser notre pacte collectif. Si c’est pour m’inviter à la précaution, j’invite ceux qui ont de la considération à mon égard à ne pas rajouter du déchet numérique à la surabondance des données. Et à me donner à lire autre chose que de la bouillie sanitaire dans laquelle nous barbotons depuis bientôt un an.