Animer des débats à travers ce joli pays qu’est la France, comme le sont le Danemark, la Russie ou la Tanzanie (je provoque bien sûr, je veux juste signifier l’importance des hommes -et des femmes, surtout ne plus oublier désormais de féminiser les généralisations, si Sandrine Rousseau venait à tomber sur ce modeste récit…-, au-delà des territoires), c’est confronter les métalangages politiques verticaux à la réalité du terrain. Qu’est-ce qu’un métalangage, dans son acception contemporaine ? C’est le fait de recycler des propos savants à toutes les sauces, propos issus eux-mêmes des fiches, des Edl dormitifs (éléments de langage), rédigés par des Bac + 3 (je n’ai aucune détestation contre la technocratie, bien au contraire, mais il est vrai qu’elle est parfois presque en désajustement avec le territoire où elle est censée être au service du public, ce ridicule en devient presque touchant…).
Le train, la belle alternative !
J’ai animé le 13 octobre le salon des maires de la Lozère, organisé par le Centre de gestion de la fonction publique territoriale et la section locale de l’Association des maires de France… N’ayant pas réussi à faire le plein d’essence, j’ai pris le train. Marseille-Nîmes puis Mende, chef-lieu lozérien. Bah, c’est 1h30 de plus, pas de quoi s’ouvrir les veines, par rapport à la voiture… Quel kif ! Ce vert à jamais recommencé comme l’aurait écrit Paul Valéry s’il s’était ému de la même manière de la beauté des Cévennes comme il le fît de la mer qui hypnotise ceux qui cherchent l’infini dans l’horizon faussement délimité. Ces petites gares où l’on laisse la nature s’étendre sans chercher à la couper en quatre, à la « versailliser ». Ces petits villages de moins de 100 habitants où le café est le premier réseau social. Loin de l’enfer urbain, de Waze pour contourner les écueils de la surpopulation…
Philippe Castanet, préfet ancré
Près de 500 personnes étaient là, présentes. Le préfet, Philippe Castanet, a passé la journée avec nous. C’était simple, me direz-vous, à Mende, la préfecture est à cent mètres du centre Gorges Frèche de Mende (ah, Frèche, empreinte iconique de la mémoire locale) où avait lieu la manifestation. Il a terminé le soir autour d’un aligot et d’une centaine de convives. Simple. Rappelant dans toutes ses interventions que si l’Etat devait trancher sur certains dossiers, il pouvait se tromper et qu’il appartenait aux élus, et donc aux citoyens, de venir frapper à la porte de la dite préfecture pour le lui dire, préfecture qu’il entend débunkériser ! Ces Edl, il s’en détacha tout au long de la journée, tout en saluant le travail de ses collaborateurs ! Sur les sujets frictionnels (la ressource en eau, le Zan zlatannant, etc.), il eut cette phrase à faire frissonner les plus sensibles : « La vérité vient des territoires », sans aller jusqu’à dire que la loi est et restera toujours qu’un point de départ, jamais un aboutissement.
La Lozère ne veut pas vivre le drame du Lubéron
Au fil des débats, notamment sur la fameuse attractivité des territoires, tarte à la crème institutionnelle (je suggère à un futur organisateur de débat de me proposer le thème suivant : « Est-il nécessaire d’être attractif ? »), un sentiment s’imposa dans mon petit cerveau quadrillé journalistiquement (le seul talent du journaliste, c’est non pas de jouer les experts -il est souvent ridicule dans ces cas-là-, mais de repérer l’endroit où ça buggue…) : la Lozère, qui est au plein emploi (4,5 % de chômage), ne chérit-elle pas, sans le savoir, cet impensé de l’enclavement ? Y aller, dans le serpentin ferroviaire ou à travers un réseau routier exigeant, s’y installer (la situation est banalement dichotomique : ceux qui ont de l’argent restaurent des corps de ferme atteignant des prix jamais vus dans le coin ; ceux qui n’en ont pas récupèrent ce qui reste…) procèdent d’un choix volontaire : devenir lozérien ne se fait pas par hasard, ça se décrète… Le département le moins peuplé de France compte 76 000 habitants environ… Le chiffre est plus ou moins stable depuis des décades… Un quartier de Lyon, et encore, pas le plus dense. « Les jeunes qui vont à Montpellier pour leurs études ne reviennent pas ensuite », a rappelé le géographe Pascal Chevalier, en ouverture de la journée. La Lozère veut-elle une Lubéronnisation de son territoire ? Avec d’anciennes fermes retapées par des Anglais en mal de soleil… Une gentrification rurale ? A priori, non. En rester là suffirait-il au bonheur de la Lozère ? Un prochain débat sur place ?
Photo : A la gare de Balsièges, le train avance à son rythme… (Photo Wikimedia Commons)